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Trop payés, les opticiens ?

Trois idées reçues détricotées


Jeudi 25 Février 2016





Il paraît que les journalistes sont la profession la plus détestée des Français. A en croire les virulentes critiques qu’ils rencontrent, les opticiens pourraient également faire partie du classement. En cause, leurs salaires et leurs marges. Car c’est bien connu, les opticiens gagnent des fortunes sur le dos des Français pour lesquels les dépenses en optique ne cessent d’augmenter. Vraiment ? Retour sur quelques idées reçues.


« Les opticiens ont des salaires mirobolants »

Sur la rémunération des opticiens, les chiffres les plus fous circulent. Mais savez-vous vraiment combien gagne votre opticien ? Lui avez-vous seulement déjà demandé ? A coup sûr, il se fera un plaisir de répondre et de déconstruire « le mythe de l’opticien-nanti ». Car on est bien loin des fortunes fantasmées, comme le rappellent les sites d’information, destinés aux lycéens ou étudiants qui souhaiteraient s’engager dans cette voie. En effet, après sa formation (bac+2/3), un opticien débutant gagne en moyenne 1400€ bruts par mois. Pas de quoi s’insurger donc ! L’opticien peut espérer atteindre un salaire légèrement supérieur à 2000€ après quelques années d’expérience. Toujours pas de quoi s’insurger !

De plus, la rémunération des salariés rattachés à la convention collective nationale de l'optique-lunetterie de détail, dépend d’une grille fixée par arrêté du Ministère du travail. Certaines professions sont loin d’être aussi transparentes…De quoi rassurer les Français, puisque bon nombre d’opticiens sont salariés. Alors certes, pour les opticiens à leur compte et donc propriétaires de leur magasin d’optique, la rémunération est plus importante. Mais les dépenses le sont aussi (loyers de la boutique, équipement plus important, etc.) ! L’opticien entrepreneur doit également se délester des traditionnelles charges qui incombent à tous les patrons.  En outre, la facture grimpe vite lorsque les opticiens adhèrent à un réseau d’optique franchisé, comme il en existe tant sur le marché.

© Ingimage
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« Les opticiens dégagent des marges exorbitantes »

De quoi sérieusement relativiser le fantasme le plus répandu sur la profession : celui des marges. Une enquête publiée par Que Choisir a attisé les tensions. Elle révèle des « marges exorbitantes » avec « un taux de marge de 233% atteignant même 317% en moyenne sur les verres avec 70% du prix de vente hors taxes d'une paire de lunettes servant à rémunérer les opticiens ». Des chiffres hallucinants ! Les journalistes de Pleine Vie se sont penchés sur cette étude : selon eux, la part revenant à l’exploitation du magasin revient à près de 60% du prix d’une paire de lunettes, évaluée à 470euros. La marge nette revient à environ 6%, un chiffre également partagé par Acuité, portail d’information dédié au secteur de l’optique.

Ces révélations vont dans le sens de l’argumentaire des opticiens qui se sont défendus après la publication de l’enquête par Que Choisir. Argument par argument, ils ont démonté l’étude de l’association de consommateurs qui n’a « aucune cohérence scientifique ».Mais l’opacité n’est pas forcément là où on le croit.  Moins connue du grand public, la question des commissions versées aux réseaux franchisés est rarement soulevée dans le débat. Or, ces commissions plombent souvent les opticiens qui doivent mécaniquement augmenter les prix au détriment des Français.

De plus, le véritable scandale des marges ne concernerait pas les opticiens mais les centrales d’achat, comme le soulève un article intitulé « Prix des lunettes : le scandale que l’on nous cache !  ». En effet, ces acteurs ont pour vocation de regrouper les commandes des opticiens afin de proposer des meilleures conditions d’achat. Une position clef qui autorise apparemment quelques excès. L’article insiste notamment sur « le gavage des centrales d’achat » qui justifieraient ces marges par les « nécessaires frais liés à la logistique ».  Or, la plupart du temps, les verriers livrent directement les opticiens sans passer par les centrales d’achat. Les éventuels « frais de stockage » concerneraient uniquement les montures et les verres standards unifocaux.

Et avec les marges que s’octroient certains acteurs, les opticiens, eux, ont peu, voire aucune marge… de manœuvre. A la fin, ce sont bien les Français qui trinquent. Force est de constater que les centrales d’achat comme Luz (6 millions de chiffre d’affaires) ou Alliance Optique (+3% du chiffre d’affaire en 2014 par rapport à l’année précédente) ne connaissent pas la crise. La Centrale des Opticiens (CDO), dont les dirigeants sont par ailleurs les dirigeants du réseau Krys, affiche pour sa part un résultat net de plus de 4 millions d’euros pour 2014 sur un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros.  

« Les opticiens se payent sur notre santé »

La santé visuelle, voilà un des autres points sensibles du débat. Les opticiens sont souvent accusés de se comporter en simples vendeurs de lunettes, et ce au détriment de la dimension santé qui leur incombe. Les attaques fusent sur le coût élevé des équipements, qui pèse de plus en plus sur le porte-monnaie des Français. Ainsi, 78% des Français estiment que le coût des lunettes et des lentilles est trop élevé, et certains vont jusqu’à y renoncer. Et blâmer les opticiens ? Il ne semble pas juste que les opticiens supportent à eux seuls, le désengagement de l’Etat s’agissant des remboursements des frais d’optique. Car si le renoncement aux soins visuels est de plus en plus fréquent, c’est aussi en raison de l’échec de la politique de santé publique menée par les différents gouvernements. Pas sûr que la loi Hamon sur le plafonnement des remboursements des lunettes, calme les crispations du marché de l’optique.

Quant aux critiques sur le manque de professionnalisme des opticiens : comme partout, certains exercent leur métier avec plus ou moins de sérieux. Mais le plus souvent, les opticiens passent plusieurs heures  à conseiller le client, à adapter la monture à son visage pour un confort maximal ou à tester le type de lentilles de contact qui convient à ses yeux et à sa correction. Par ailleurs, les Français sont bien contents de pouvoir pousser la porte d’un opticien, qu’ils connaissent ou non, afin que ce dernier réalise en quelques minutes de précieux ajustements, que le professionnel ne facture pas en général. De quoi sérieusement relativiser les aprioris sur les opticiens, victimes selon Alain Gerbel d’un véritable « acharnement  ».