Speedy Life
Bien-être

Freiner


Lundi 21 Mars 2016





Depuis quelque temps, on vante la slow life, tant le rythme s’accélère. Pourtant, il est urgent de ralentir.


Freiner
Saturation, implosion, burn-out… De plus en plus, on se sent pressé comme un citron. Dans un édito de Elle, drôle mais qui fait rire jaune malgré tout, la journaliste Marion Ruggieri met un mot, du moins une expression sur le mal du siècle : la submersion. Mieux, le syndrome de submersion : « impression désagréable de ne plus avoir le temps de rien. » Cela fait écho à une interview de la créatrice Isabel Marant, dans L’Express Styles il y a un peu plus d’un an. À la question, « comment tenez-vous le coup ? », elle répond : «  Bah je réussis à peine. Je pleure le lundi, le mardi. Le mercredi ça va un peu mieux, le vendredi je suis au top et puis il y a la redescente de soufflé le weekend. » Ça vous rappelle quelqu’un ? Dans Elle, Marion Rugggieri essaye de définir cette notion de submersion : « Je ne vois plus personne (…) j’ai la tête sous l’eau (…) je culpabilise à propos des enfants. Je me réveille à 3 heures du matin et je réponds à mes mails. Je suis pas allée au ciné, voir une expo, j’ai pas lu un vrai livre depuis un an. Je rentre trop tard ; je pars trop tôt. » Et des doléances comme cela, on pourrait continuer. La liste est longue comme le bras, comme deux bras même.
 
Marion Ruggieri évoque deux pistes qui peut-être, nous ont conduites là : « l’hyper-consommation et l’hyper-sollicitation de l’ère numérique. » Dans les deux cas, une cause hyper quelque chose. L’hyper-sollicitation digitale, cela pourrait être une façon « d’être partout pour mieux se noyer, se dissoudre, s’oublier ? » Une époque, hélas, « où plus on est affairé, multi-présent, impatient, plus on semble important. La surcharge étant devenue une marque un peu bouffonne de respectabilité. » « Je sue donc je suis », avance t-elle, ou est-ce l’ère du vide qu’inexorablement il s’agit de combler, de remplir, quitte à faire n’importe quoi ? Instagram, par exemple, insupporte Isabel Marant : « Enfin, j’adore et je déteste (…) Mais après, il y a une espèce de voyeurisme… Tout le monde se starifie, j’ai vachement de mal avec cette mise en avant, ce besoin de savoir tout. Passer des heures à aller regarder les comptes des autres, ça me dépasse un peu. Chacun fait ce qu’il veut, mais je trouve qu’il faut savoir s’en servir avec son bon sens. » CQFD.
 
L’hyper-consommation en question. En marge d’une interview donnée au New York Magazine, la créatrice française a répondu à Géraldine Dormoy de L’Express Styles : « Il y a des gens pour qui il faut acheter acheter acheter. Quand je pars avec mes copines en voyage, ça m’effraie. Ce besoin d’acheter beaucoup, ça me dégoûte. Par contre, acheter peu mais bien, de bonnes choses dont on a besoin, oui. » Le rythme effréné des collections ? « Je suis complètement contre. Je ne sais pas comment je vais faire pour me rebeller contre ça. A force d’enchaîner les collections, on ne sait plus ce qu’on fait, on n’a plus le temps. Là, on a à peine commencé à porter les vêtements d’hiver et on est déjà dans les précoll’. Je ne pense pas que les gens aient besoin de toutes ces fringues. Le problème, c’est qu’on a les doigts dans la prise, on est dans un système, on vend dans des grands magasins qui ont besoin d’avoir un turn over, qui veulent que ça change… » Dans tous les cas, dans cette société où tout le monde ressent une accélération, il s’agit de ralentir, de s’offrir une pause et une respiration. De sortir les doigts de la prise et du système ?