L’enjeu est de faire autant que possible les choses par soi-même ou, au moins, de les personnaliser au maximum. Il fut à une époque pas si lointaine possible de construire sa maison soi-même, sans l’aide de professionnels (ou presque). Pour des questions de normes, de coût et d’assurances, le principe de bâtir son « chez-soi » soi-même a été progressivement abandonnée, mais l’idée séduit à nouveau de plus en plus de ménages modestes (1). L’autoconstruction n’est pourtant pas sans risque et peut s’avérer source de surcoûts imprévus, d’impasses administratives ou de difficultés à assurer le bien… Si le mouvement coopératif Les Castors continue à perpétuer l’idéal de l’aide bénévole aux autoconstructeurs (2) ou si l’association marseillaise Freedôms organise des formations pour promouvoir une technique de bio-construction à base de sacs de terre ou de sables (3), force est de constater que l’autoconstruction sera toujours une activité de niche. Mais à défaut de tout faire soi-même, certaines innovations permettent aujourd’hui d’en faire en tout cas beaucoup plus qu’avant.
Construire et personnaliser sa maison à moindre coût
On voit ainsi émerger de nouveaux procédés de construction modulaire à base d’éléments préfabriqués élargissant les possibilités de personnalisation. L’innovation décolle dans ce domaine. C’est ainsi qu’une entreprise implantée dans la Drôme, après plusieurs années de recherche-développement, a breveté en 2015 un système de construction révolutionnaire. Elle s’appelle Logelis. Renaud Sassi, son créateur, explique l’idée : « Simplifier et standardiser les méthodes de construction, tout en réduisant le nombre de composants nécessaires, sur le modèle de ce qui se fait dans l’industrie automobile » (5). Son procédé repose sur des panneaux préfabriqués en usine qui tiennent lieu à la fois de murs et d’isolants et, caractéristique clé, qui intègrent dès leur conception en usine les portes et les fenêtres, le réseau électrique et bientôt les finitions intérieurs et extérieurs. En résumé, de la construction durable sur mesure, sûre et à un prix accessible. Le procédé a trouvé rapidement des applications dans l’habitat d’urgence hors de nos frontières en contexte de crises humanitaires, mais le principe s’est en premier lieu déployé en France et l’idée commence à faire son chemin auprès des collectivités comme des particuliers : si les panneaux (les « murs ») sont des produits standardisés réalisés eu usine, l’agencement, la taille et le nombre de pièces sont totalement personnalisables, de mêmes que les ouvrants, les couleurs ou les texture de rendu. Les panneaux Logelis, ne laissant rien apparaitre en dehors de murs, répondent déjà à la RT 2020. Sachant que tout est conçu en usine, l’assemblage final est également beaucoup moins long qu’un chantier traditionnel. Ce que Logelis propose avec ce système, c’est potentiellement de reprendre la main sur la conception intégrale d’une maison économique, écologique et durable, à rebours du « prêt-à-loger » vendu en lotissements.
D’autres innovations voient le jour qui permettent de construire à faible coût et très rapidement des bâtiments de toute taille en béton, en bois, et même en carton. Toujours selon le même principe, celui de la construction personnalisée à partir de modules qui peuvent être librement associés par l’utilisateur-concepteur.
« Fais-le toi-même »
Ces nouveaux procédés de construction s’inscrivent dans une tendance lourde, celle du Do It Yourself (DIY). Le concept est déjà ancien. C’est en 1968, que Stewart Brand commença à publier un catalogue américain de contre-culture, le Whole Earth Catalog (6), qui proposait des vêtements, des livres, des outils, des machines, des graines — autant de choses utiles à un style de vie créatif et à l’autosuffisance, mais ne vendait rien directement. Il prônait le Do It Yourself (DIY). Steve Jobs, d’Apple, lui rendit hommage dans son discours de juin 2005 à l'université Stanford : « Whole Earth Catalog, c'était un peu comme Google en format papier, 35 ans à l’avance. C'était une revue idéaliste débordant d'outils épatants et de notions géniales ».
Aujourd’hui la tendance DIY est partout. Elle s’exprime principalement dans le bricolage, le jardinage, la décoration, la cuisine, l’art de vivre et le divertissement (re)créatif… Qui, parmi les plus aptes aux travaux manuels, n’a pas tenté de faire lui-même certaines réparations sur sa voiture ? Qui n’a pas acheté des meubles à monter soi-même ? Qui n’a pas cherché à faire lui-même avec des matériaux de récupération des éléments de rangements, des objets de décoration ou des bijoux ? Qui n’a pas réalisé lui-même sa play-list musicale au lieu d’acheter une compilation en CD ? Qui n’aimerait pas pouvoir cuisiner lui-même les légumes de son jardin ? Qui a encore peur de se soigner par lui-même en grapillant ici ou là quelques recettes de grand-mère ? Qui ignore encore – en tout cas jusqu’à cet article – comment fabriquer son dentifrice naturel avec du bicarbonate de sodium, du citron bio et de l’huile de coco non-pasteurisé ? Quel adolescent ne craque pas pour le Spinbox, ce kit DIY pour créer sa platine vinyle en carton ?
Derrière tout ça, apparaît le désir de faire les choses de ses propres mains et une soif de créativité personnelle. Mais aussi le besoin de résister au stress contemporain poussant au consumérisme. Sans compter bien entendu l’intérêt pécuniaire qui est souvent la motivation première, avant la satisfaction de réussir à faire certaines choses par soi-même.
Un créneau à fort potentiel
Au départ ancré dans l’écologie, le refus de la consommation de masse, une quête de solidarité, le DIY devient maintenant un créneau rentable : le consommateur est parfois mis à contribution volontairement dans le suivi et l’entretien de son produit. Voulant lutter contre l’obsolescence programmée, deux jeunes ingénieurs ont par exemple imaginé un lave-linge dont toutes les pièces peuvent être facilement changées. Charge à l’utilisateur de les commander et de les installer. Mais l’argument marketing est porteur : « le dernier lave-linge de votre vie ». Après avoir réalisé le prototype en incubation auprès de Dassault Systèmes, Julien Phedyaeff et Christophe Santerre cherchent désormais un partenariat industriel pour en lancer la production à grande échelle (7).
Qu’il s’agisse de maisons ou d’électroménager, le DIY semble aujourd’hui passer au stade de l’industrialisation, parce qu’il correspond aussi à une volonté de différenciation dans un univers de produits standardisés. Ce n’est pas le moindre des paradoxes dans l’univers de la consommation, mais la durabilité des produits a bien des atouts à faire valoir. La tendance mérite donc plus que des encouragements et des initiatives isolées.
(1) https://www.immonot.com/achat-immobilier/r8-a-663/Construire-sa-maison-soi-meme-pour-vivre-dangereusement.html
(2) https://www.autoconstruction.info/societe-et-autoconstruction/connaissez-vous-les-castors
(3) http://www.lavie.fr/solidarite/carnets-citoyens/a-marseille-des-maisons-ecologiques-en-auto-construction-17-05-2017-82155_459.php
(4) https://www.lemoniteur.fr/article/l-autoconstruction-concurrence-ou-debouche-pour-les-entreprises-27010394
(5) https://www.carnetsdubusiness.com/Habitat-durable-le-constructeur-Logelis-aux-portes-des-marches-emergents_a1491.html
(6) http://do-it-yourself.fr/
(7) http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/start-up/2018/02/02/32004-20180202ARTFIG00143-l-increvable-la-machine-a-laver-a-reparer-soi-meme.php
Construire et personnaliser sa maison à moindre coût
On voit ainsi émerger de nouveaux procédés de construction modulaire à base d’éléments préfabriqués élargissant les possibilités de personnalisation. L’innovation décolle dans ce domaine. C’est ainsi qu’une entreprise implantée dans la Drôme, après plusieurs années de recherche-développement, a breveté en 2015 un système de construction révolutionnaire. Elle s’appelle Logelis. Renaud Sassi, son créateur, explique l’idée : « Simplifier et standardiser les méthodes de construction, tout en réduisant le nombre de composants nécessaires, sur le modèle de ce qui se fait dans l’industrie automobile » (5). Son procédé repose sur des panneaux préfabriqués en usine qui tiennent lieu à la fois de murs et d’isolants et, caractéristique clé, qui intègrent dès leur conception en usine les portes et les fenêtres, le réseau électrique et bientôt les finitions intérieurs et extérieurs. En résumé, de la construction durable sur mesure, sûre et à un prix accessible. Le procédé a trouvé rapidement des applications dans l’habitat d’urgence hors de nos frontières en contexte de crises humanitaires, mais le principe s’est en premier lieu déployé en France et l’idée commence à faire son chemin auprès des collectivités comme des particuliers : si les panneaux (les « murs ») sont des produits standardisés réalisés eu usine, l’agencement, la taille et le nombre de pièces sont totalement personnalisables, de mêmes que les ouvrants, les couleurs ou les texture de rendu. Les panneaux Logelis, ne laissant rien apparaitre en dehors de murs, répondent déjà à la RT 2020. Sachant que tout est conçu en usine, l’assemblage final est également beaucoup moins long qu’un chantier traditionnel. Ce que Logelis propose avec ce système, c’est potentiellement de reprendre la main sur la conception intégrale d’une maison économique, écologique et durable, à rebours du « prêt-à-loger » vendu en lotissements.
D’autres innovations voient le jour qui permettent de construire à faible coût et très rapidement des bâtiments de toute taille en béton, en bois, et même en carton. Toujours selon le même principe, celui de la construction personnalisée à partir de modules qui peuvent être librement associés par l’utilisateur-concepteur.
« Fais-le toi-même »
Ces nouveaux procédés de construction s’inscrivent dans une tendance lourde, celle du Do It Yourself (DIY). Le concept est déjà ancien. C’est en 1968, que Stewart Brand commença à publier un catalogue américain de contre-culture, le Whole Earth Catalog (6), qui proposait des vêtements, des livres, des outils, des machines, des graines — autant de choses utiles à un style de vie créatif et à l’autosuffisance, mais ne vendait rien directement. Il prônait le Do It Yourself (DIY). Steve Jobs, d’Apple, lui rendit hommage dans son discours de juin 2005 à l'université Stanford : « Whole Earth Catalog, c'était un peu comme Google en format papier, 35 ans à l’avance. C'était une revue idéaliste débordant d'outils épatants et de notions géniales ».
Aujourd’hui la tendance DIY est partout. Elle s’exprime principalement dans le bricolage, le jardinage, la décoration, la cuisine, l’art de vivre et le divertissement (re)créatif… Qui, parmi les plus aptes aux travaux manuels, n’a pas tenté de faire lui-même certaines réparations sur sa voiture ? Qui n’a pas acheté des meubles à monter soi-même ? Qui n’a pas cherché à faire lui-même avec des matériaux de récupération des éléments de rangements, des objets de décoration ou des bijoux ? Qui n’a pas réalisé lui-même sa play-list musicale au lieu d’acheter une compilation en CD ? Qui n’aimerait pas pouvoir cuisiner lui-même les légumes de son jardin ? Qui a encore peur de se soigner par lui-même en grapillant ici ou là quelques recettes de grand-mère ? Qui ignore encore – en tout cas jusqu’à cet article – comment fabriquer son dentifrice naturel avec du bicarbonate de sodium, du citron bio et de l’huile de coco non-pasteurisé ? Quel adolescent ne craque pas pour le Spinbox, ce kit DIY pour créer sa platine vinyle en carton ?
Derrière tout ça, apparaît le désir de faire les choses de ses propres mains et une soif de créativité personnelle. Mais aussi le besoin de résister au stress contemporain poussant au consumérisme. Sans compter bien entendu l’intérêt pécuniaire qui est souvent la motivation première, avant la satisfaction de réussir à faire certaines choses par soi-même.
Un créneau à fort potentiel
Au départ ancré dans l’écologie, le refus de la consommation de masse, une quête de solidarité, le DIY devient maintenant un créneau rentable : le consommateur est parfois mis à contribution volontairement dans le suivi et l’entretien de son produit. Voulant lutter contre l’obsolescence programmée, deux jeunes ingénieurs ont par exemple imaginé un lave-linge dont toutes les pièces peuvent être facilement changées. Charge à l’utilisateur de les commander et de les installer. Mais l’argument marketing est porteur : « le dernier lave-linge de votre vie ». Après avoir réalisé le prototype en incubation auprès de Dassault Systèmes, Julien Phedyaeff et Christophe Santerre cherchent désormais un partenariat industriel pour en lancer la production à grande échelle (7).
Qu’il s’agisse de maisons ou d’électroménager, le DIY semble aujourd’hui passer au stade de l’industrialisation, parce qu’il correspond aussi à une volonté de différenciation dans un univers de produits standardisés. Ce n’est pas le moindre des paradoxes dans l’univers de la consommation, mais la durabilité des produits a bien des atouts à faire valoir. La tendance mérite donc plus que des encouragements et des initiatives isolées.
(1) https://www.immonot.com/achat-immobilier/r8-a-663/Construire-sa-maison-soi-meme-pour-vivre-dangereusement.html
(2) https://www.autoconstruction.info/societe-et-autoconstruction/connaissez-vous-les-castors
(3) http://www.lavie.fr/solidarite/carnets-citoyens/a-marseille-des-maisons-ecologiques-en-auto-construction-17-05-2017-82155_459.php
(4) https://www.lemoniteur.fr/article/l-autoconstruction-concurrence-ou-debouche-pour-les-entreprises-27010394
(5) https://www.carnetsdubusiness.com/Habitat-durable-le-constructeur-Logelis-aux-portes-des-marches-emergents_a1491.html
(6) http://do-it-yourself.fr/
(7) http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/start-up/2018/02/02/32004-20180202ARTFIG00143-l-increvable-la-machine-a-laver-a-reparer-soi-meme.php