(Public Domain)
Accès aux soins : les inégalités se creusent
En 2012, 26 % de Français déclaraient avoir renoncé au moins à un soin pour des raisons financières. L’absence de complémentaire santé apparaît comme le premier facteur d‘exclusion des soins. Et cette problématique touche de plus en plus de Français voire les classes moyennes et supérieures, qui doivent souvent choisir entre les soins. C’est le constat établi par Aline Archimbaud dans son rapport intitulé « L’accès aux soins des plus démunis. 40 propositions pour un choc de solidarité » qui dénonce le « parcours du combattant » de millions de Français. Refus de soin, difficultés matérielles, dépassement d’honoraires, déserts médicaux, application variable du tiers-payant : les causes possibles d’une exclusion sont multiples et cumulatives dans certains cas. Selon la sénatrice, plusieurs catégories de population concentrent les facteurs de précarité dans l’accès aux soins.
C’est notamment le cas des personnes placées sous main de justice, des jeunes issus des milieux populaires, des petits agriculteurs ou des personnes en situation de handicap physique ou psychique mais également des étudiants. En effet, 8 % des étudiants déclarent ne pas disposer d’assurance complémentaire santé. A la rentrée dernière, l'UFC-Que choisir et la FAGE, deuxième organisation étudiante, déploraient dans une étude la «persistance de graves dysfonctionnements dans la gestion » des mutuelles étudiantes. Problème numéro un pointé par les étudiants : le remboursement des dépenses de santé. « En un an et demi, je n'ai jamais été remboursée de mes frais » témoigne Léna Fournier, étudiante en cinéma qui confie alors avoir renoncé à se soigner.
Les seniors sont également une catégorie fragile avec 5 % des 50-65 ans qui ont renoncé à consulter un spécialiste au cours des deux dernières années. Les oubliés de la santé, ce sont aussi les chômeurs et précaires qui revendiquent un statut permettant l’accès aux soins. Car « entre remplir le frigo et refaire ses lunettes, le choix est vite fait » précise Jean-François Kiefer, secrétaire général de la CGT-chômeurs.
Ainsi, seuls 20 % des Français, les plus aisés, continuent à se soigner à hauteur de leurs besoins. Si notre système de santé avait pour vocation d’être universel, l’homogénéité n’est plus au rendez-vous. Aline Archimbaud invite donc les différents acteurs de la protection sociale à « aller chercher les bénéficiaires » car c’est « l’ensemble du système qui doit s’adapter aux personnes en situation de précarité et non l’inverse ».
Une offre de santé qui doit s’adapter
Comme une alerte lancée aux autorités, assureurs privés, mutuelles et institutions de prévoyance, Véronique Debué, adjointe au maire du village de Caumont dans le Vaucluse a créé la première complémentaire santé réservée aux habitants du village grâce à un appel d'offres destiné à élaborer un produit de qualité facturé au même tarif pour tous. Face au renoncement des soins, ce modèle séduit de plus en plus de communes qui entendent se doter d’un tel système et pallier aux inégalités en matière de santé.
Autre initiative, celle d’anciens salariés licenciés regroupés afin de faire baisser les prix de leur complémentaire santé afin que les personnes les plus démunies en profitent également. Ainsi, l’Association interentreprises locales d’entraide sociale (Ailes) a su convaincre des complémentaires santé de proposer des contrats « 15 à 25 % moins chers que ce qui est généralement proposé, qui plus est avec un bon niveau général de prise en charge », se réjouit Frédéric Besacier, le président de l’association. Conscients que le secteur privé est de plus en plus appelé à suppléer l’Assurance maladie, les acteurs de l’assurance santé se mobilisent afin que chacun puisse trouver le bon interlocuteur de santé et un contrat hors des sentiers battus adapté, parfois, à des profils atypiques. Aussi, cette initiative basée sur l’achat groupé appliqué aux remboursements des frais médicaux s’adresse « surtout aux étudiants, aux retraités à faibles revenus et aux personnes défavorisées socialement » précise Jérémy Pons, l'un des partenaires de l’Ailes.
Des solutions existent également pour les intérimaires qui souffrent parfois de préjugés en raison de modalités d’embauche très particulières. Par exemple, aujourd’hui, de nombreux jeunes diplômés voient dans l’intérim une porte d’entrée dans la vie active. Cette flexibilité n’est pas toujours bien perçue par leurs interlocuteurs (au premier rang desquels les banques ou les assurances) qui tendent à l’assimiler systématiquement à une forme d’instabilité, voire d’insolvabilité.
C’est pour pallier cette situation que le Fonds d’Action Sociale du Travail Temporaire (FASTT) a mis en place le service « Fastt Mut », que détaille le site Indice RH : « les intérimaires peuvent dès la première heure de mission y adhérer. S’ils ne sont plus en intérim, ils peuvent continuer à en bénéficier jusqu’à la fin de l’année et les frais de santé sont couverts y compris entre deux missions. Autre avantage, le conjoint de l’intérimaire et ses enfants peuvent aussi être couverts. » Choisie par le FASTT pour assurer les intérimaires dans la cadre de contrats individuels (dont le montant de la cotisation est en partie financé par le FASTT), la Mutuelle SMI a donc dû tenir compte de « la particularité du métier d’intérimaire. Ce partenariat avec le FASTT permet la mise en place d’un dispositif de gestion ad hoc permettant aux intérimaires de bénéficier pleinement de leur mutuelle ». C’est ce qu’explique Bertrand Da Ros, le directeur général de la mutuelle SMI. La situation des intérimaires devrait toutefois évoluer prochainement : « Étant rattachés à des entreprises de travail temporaire, ils bénéficieront demain de la couverture mise en place pour eux par ces entreprises en vertu de la loi sur la sécurisation de l’emploi » rassure le dirigeant opérationnel de la mutuelle SMI.
La généralisation de la complémentaire santé : une bonne nouvelle en demi-teinte?
La loi sur la sécurisation de l’emploi de juin 2013 aboutira, dès janvier 2016, à l’obligation pour les entreprises de participer au financement de la couverture complémentaire santé de leurs salariés. Ceci concerne tous les salariés du secteur privé. Ainsi, entre trois et quatre millions de salariés ne bénéficiant pas de mutuelle santé sont directement concernés. Si la volonté d’un plus large accès aux soins est louable, reste à voir les réelles implications de cette généralisation. En effet, l’impact social et économique est redouté, comme l’explique le DG de la mutuelle SMI qui gère un portefeuille composé à 80 % d’entreprises. Bertrand Da Ros met ainsi en garde contre l’« inévitable diminution du niveau de solidarité », liée à la nécessité de souscrire individuellement à des surcomplémentaires en raison de garanties plus faibles dans ces nouveaux contrats obligatoires. Du moins, lorsqu’on en a les moyens ! Ces inquiétudes sont partagées par le président de la fédération des mutuelles de France (FMF), Jean-Paul Benoît : « que vont devenir les chômeurs, les retraités et les jeunes en formation qui n'auront pas de droit à la complémentaire santé ? » s'inquiétait le président lors du dernier congrès de la FMF. Il exhortait alors à « débattre dans les entreprises, avec les militants. Expliquons-leur qu'un contrat collectif c'est bien, mais que s'il se fait sur le dos des retraités, des jeunes, des chômeurs, c'est un recul de la solidarité».
Alors que l’examen du budget de la sécurité sociale est à l’œuvre et que le gouvernement déclare vouloir mettre l’accent sur l’accès aux soins, les OCAM semblent appelées à renforcer leur rôle d’acteur majeur de l’économie sociale et solidaire et permettre un recul de l’inégalité de l’accès aux soins.
En 2012, 26 % de Français déclaraient avoir renoncé au moins à un soin pour des raisons financières. L’absence de complémentaire santé apparaît comme le premier facteur d‘exclusion des soins. Et cette problématique touche de plus en plus de Français voire les classes moyennes et supérieures, qui doivent souvent choisir entre les soins. C’est le constat établi par Aline Archimbaud dans son rapport intitulé « L’accès aux soins des plus démunis. 40 propositions pour un choc de solidarité » qui dénonce le « parcours du combattant » de millions de Français. Refus de soin, difficultés matérielles, dépassement d’honoraires, déserts médicaux, application variable du tiers-payant : les causes possibles d’une exclusion sont multiples et cumulatives dans certains cas. Selon la sénatrice, plusieurs catégories de population concentrent les facteurs de précarité dans l’accès aux soins.
C’est notamment le cas des personnes placées sous main de justice, des jeunes issus des milieux populaires, des petits agriculteurs ou des personnes en situation de handicap physique ou psychique mais également des étudiants. En effet, 8 % des étudiants déclarent ne pas disposer d’assurance complémentaire santé. A la rentrée dernière, l'UFC-Que choisir et la FAGE, deuxième organisation étudiante, déploraient dans une étude la «persistance de graves dysfonctionnements dans la gestion » des mutuelles étudiantes. Problème numéro un pointé par les étudiants : le remboursement des dépenses de santé. « En un an et demi, je n'ai jamais été remboursée de mes frais » témoigne Léna Fournier, étudiante en cinéma qui confie alors avoir renoncé à se soigner.
Les seniors sont également une catégorie fragile avec 5 % des 50-65 ans qui ont renoncé à consulter un spécialiste au cours des deux dernières années. Les oubliés de la santé, ce sont aussi les chômeurs et précaires qui revendiquent un statut permettant l’accès aux soins. Car « entre remplir le frigo et refaire ses lunettes, le choix est vite fait » précise Jean-François Kiefer, secrétaire général de la CGT-chômeurs.
Ainsi, seuls 20 % des Français, les plus aisés, continuent à se soigner à hauteur de leurs besoins. Si notre système de santé avait pour vocation d’être universel, l’homogénéité n’est plus au rendez-vous. Aline Archimbaud invite donc les différents acteurs de la protection sociale à « aller chercher les bénéficiaires » car c’est « l’ensemble du système qui doit s’adapter aux personnes en situation de précarité et non l’inverse ».
Une offre de santé qui doit s’adapter
Comme une alerte lancée aux autorités, assureurs privés, mutuelles et institutions de prévoyance, Véronique Debué, adjointe au maire du village de Caumont dans le Vaucluse a créé la première complémentaire santé réservée aux habitants du village grâce à un appel d'offres destiné à élaborer un produit de qualité facturé au même tarif pour tous. Face au renoncement des soins, ce modèle séduit de plus en plus de communes qui entendent se doter d’un tel système et pallier aux inégalités en matière de santé.
Autre initiative, celle d’anciens salariés licenciés regroupés afin de faire baisser les prix de leur complémentaire santé afin que les personnes les plus démunies en profitent également. Ainsi, l’Association interentreprises locales d’entraide sociale (Ailes) a su convaincre des complémentaires santé de proposer des contrats « 15 à 25 % moins chers que ce qui est généralement proposé, qui plus est avec un bon niveau général de prise en charge », se réjouit Frédéric Besacier, le président de l’association. Conscients que le secteur privé est de plus en plus appelé à suppléer l’Assurance maladie, les acteurs de l’assurance santé se mobilisent afin que chacun puisse trouver le bon interlocuteur de santé et un contrat hors des sentiers battus adapté, parfois, à des profils atypiques. Aussi, cette initiative basée sur l’achat groupé appliqué aux remboursements des frais médicaux s’adresse « surtout aux étudiants, aux retraités à faibles revenus et aux personnes défavorisées socialement » précise Jérémy Pons, l'un des partenaires de l’Ailes.
Des solutions existent également pour les intérimaires qui souffrent parfois de préjugés en raison de modalités d’embauche très particulières. Par exemple, aujourd’hui, de nombreux jeunes diplômés voient dans l’intérim une porte d’entrée dans la vie active. Cette flexibilité n’est pas toujours bien perçue par leurs interlocuteurs (au premier rang desquels les banques ou les assurances) qui tendent à l’assimiler systématiquement à une forme d’instabilité, voire d’insolvabilité.
C’est pour pallier cette situation que le Fonds d’Action Sociale du Travail Temporaire (FASTT) a mis en place le service « Fastt Mut », que détaille le site Indice RH : « les intérimaires peuvent dès la première heure de mission y adhérer. S’ils ne sont plus en intérim, ils peuvent continuer à en bénéficier jusqu’à la fin de l’année et les frais de santé sont couverts y compris entre deux missions. Autre avantage, le conjoint de l’intérimaire et ses enfants peuvent aussi être couverts. » Choisie par le FASTT pour assurer les intérimaires dans la cadre de contrats individuels (dont le montant de la cotisation est en partie financé par le FASTT), la Mutuelle SMI a donc dû tenir compte de « la particularité du métier d’intérimaire. Ce partenariat avec le FASTT permet la mise en place d’un dispositif de gestion ad hoc permettant aux intérimaires de bénéficier pleinement de leur mutuelle ». C’est ce qu’explique Bertrand Da Ros, le directeur général de la mutuelle SMI. La situation des intérimaires devrait toutefois évoluer prochainement : « Étant rattachés à des entreprises de travail temporaire, ils bénéficieront demain de la couverture mise en place pour eux par ces entreprises en vertu de la loi sur la sécurisation de l’emploi » rassure le dirigeant opérationnel de la mutuelle SMI.
La généralisation de la complémentaire santé : une bonne nouvelle en demi-teinte?
La loi sur la sécurisation de l’emploi de juin 2013 aboutira, dès janvier 2016, à l’obligation pour les entreprises de participer au financement de la couverture complémentaire santé de leurs salariés. Ceci concerne tous les salariés du secteur privé. Ainsi, entre trois et quatre millions de salariés ne bénéficiant pas de mutuelle santé sont directement concernés. Si la volonté d’un plus large accès aux soins est louable, reste à voir les réelles implications de cette généralisation. En effet, l’impact social et économique est redouté, comme l’explique le DG de la mutuelle SMI qui gère un portefeuille composé à 80 % d’entreprises. Bertrand Da Ros met ainsi en garde contre l’« inévitable diminution du niveau de solidarité », liée à la nécessité de souscrire individuellement à des surcomplémentaires en raison de garanties plus faibles dans ces nouveaux contrats obligatoires. Du moins, lorsqu’on en a les moyens ! Ces inquiétudes sont partagées par le président de la fédération des mutuelles de France (FMF), Jean-Paul Benoît : « que vont devenir les chômeurs, les retraités et les jeunes en formation qui n'auront pas de droit à la complémentaire santé ? » s'inquiétait le président lors du dernier congrès de la FMF. Il exhortait alors à « débattre dans les entreprises, avec les militants. Expliquons-leur qu'un contrat collectif c'est bien, mais que s'il se fait sur le dos des retraités, des jeunes, des chômeurs, c'est un recul de la solidarité».
Alors que l’examen du budget de la sécurité sociale est à l’œuvre et que le gouvernement déclare vouloir mettre l’accent sur l’accès aux soins, les OCAM semblent appelées à renforcer leur rôle d’acteur majeur de l’économie sociale et solidaire et permettre un recul de l’inégalité de l’accès aux soins.