Découverte

Les « surfaces fonctionnelles » d'Oberthur Fiduciaire


Justine Evrard
Vendredi 12 Février 2016




Non, il n’est pas question ici des locaux industriels ou des surfaces de bureaux, mais bien des propriétés physico-chimiques du principal produit d’Oberthur Fiduciaire : les billets de banque. Véritable concentré de technologies, dont certaines resteront longtemps confidentielles, le papier monnaie contemporain n’a de plus du papier que le nom depuis bien longtemps.


Crédit : IngImage
L’expertise et le savoir-faire d’Oberthur Fiduciaire en matière de design et de gravures sont sollicités par plus de 70 banques centrales de par le monde. Or, malgré d’évidentes similitudes d’usages et d’apparences, tout ou presque varie d’un billet de banque à l’autre, d’un pays à l’autre : formes, couleurs, matières, encres, procédés d’impression, technologies de sécurité… Mais une constante demeure : la très haute sophistication des procédés de conception et d’impression. Une débauche de technologies et de secrets industriels dans un seul but : maintenir à distance les contrefacteurs, contre lesquels Oberthur Fiduciaire s’est engagé dans « une véritable course de vitesse » (1), selon les mots de son directeur général, Thomas Savare.  

Le support : papier et plastique

Le billet de banque est encore appelée papier-monnaie, mais non tant par allusion à la matière qui le compose que par opposition avec les espèces métalliques et les métaux précieux. « L’impression fiduciaire et de sécurité est une activité industrielle à très fort contenu technologique. Certes, la monnaie papier existe déjà depuis des siècles mais les billets d’aujourd’hui n’ont presque plus rien de commun avec ceux de jadis ni même avec ceux mis en circulation voici quelques années », précise le DG d’Oberthur Fiduciaire (1).

Si certains billets sont effectivement encore de fait en « papier », il ne s’agit pas pour autant de fibres de cellulose et donc de papier commun, mais généralement de fibres de coton, plus résistantes. Des solutions techniques ont d’ailleurs été trouvées pour rendre ces assemblages de fibres encore plus résistants. Oberthur Fiduciaire a ainsi déposé un brevet pour sa technologie SecuriCoat Ultra (2) dont les propriétés permettent d’améliorer considérablement la résistance et la durabilité des billets en fibres de coton. Certains pays impriment par contre leurs billets de banque sur des supports en polymères (3). Oberthur Fiduciaire a récemment imprimé les billets du Vanuatu sur de tels supports (4). Derrière l’aspect un peu plastique de ces nouveaux billets se cache un support plus résistant, qui, bien que plus cher à produire, permet des économies grâce à une durée de vie quasiment triplée. En effet bien qu’un billet ne coûte que quelques dizaines de centimes à produire à l’unité, ce sont des milliards de billets qu’il faut imprimer chaque année pour alimenter la machine économique et remplacer les billets trop usagés. 

Un usage intensif

Crédit: Oberthur Fiduciaire
Les billets de banques sont en effet des objets soumis à rude épreuve : conçus pour une durée de vie de quelques mois à quelques années, ils vont passer en distributeurs et de mains en mains des milliers de fois (et en machine à laver quelques fois aussi). Durant ce laps de temps, les billets doivent donc résister à l’abrasion, aux torsions, aux tractions, à l’humidité… Des chercheurs italiens ont ainsi récemment développé un papier hydrophobe, magnétique et… biocide (antibactérien), car un objet qui passe de main en mains à intervalles rapprochés est très souvent porteurs de germes (5). Il ne s’agit pas que les billets deviennent à leur tour vecteurs d’épidémies.

Les billets devront aussi supporter, lors de la production, les diverses techniques d’impression : embossage dynamique, héliogravure, flexographie, impression taille douce, irisation… La partie impression-gravure ne constitue pas l’étape la plus simple. En amont de cette étape déterminante de la production, un travail colossale de recherche et de design est indispensable pour restituer « l’âme » d’une nation, sur un support qui véhiculera l’image d’un pays pendant des années voire des décennies. « Un billet de banque est un élément constitutif de l’identité d’une nation. Il doit refléter une histoire, une culture, un socle de valeurs communes, et des symboles de fierté nationale tels que d’illustres personnages ou des monuments qui font sens dans l’esprit des citoyens. D’une certaine manière, c’est aussi un instrument de cohésion d’une nation », résume Thomas Savare (6). Mais au-delà de l’apparence et du design, c’est sur la sécurité, que sont attendus les produits d’Oberthur Fiduciaire.

Sécurisation du billet : nanotechnologie et électronique de pointe

Le papier monnaie doit en fait permettre aussi l’incrustation des éléments de sécurité : bandes magnétiques, filigrane, hologrammes… Concernant ces derniers, la société Oberthur Fiduciaire a déposé un certain nombre de brevets, des systèmes DualTrack de « Fil de sécurité pour la protection du papier », au Dynamic, « sécurité imprimée à effets optiques dynamiques », en passant par les « patchs à effets optiques sécurisé par embossage dynamique » Jasper. La liste est encore longue et certains dispositifs ne font naturellement l’objet d’aucune communication. L’idée est toujours la même : compliquer la tâche des contrefacteurs en introduisant des technologies de plus en plus complexes à fabriquer et à imiter. « [Les billets de banque] sont de véritables condensés de technologie et le fruit d’une innovation permanente », résume le DG d’Oberthur Fiduciaire.

D’autant plus qu’il est question d’aller encore plus loin. Il est ainsi désormais possible d’équiper les billets de banque de puces RFID. Depuis 2013, des chercheurs de l’université d’État du Dakota du Nord a trouvé une méthode permettant de produire à moindre coût des puces RFID de quelques dixièmes de millimètres d’épaisseur, suffisamment fines pour être intégrées à tout document papier et donc aux billets de banque. L’idée est d’une part de permettre une détection immédiate et aisée des faux billets ne comprenant pas de puces, mais aussi d’assurer une traçabilité plus poussée des billets, et donc de lutter contre les circuits d’argent parallèles (7). Les billets de banque pourraient ainsi devenir un instrument de lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment, ou encore les circuits de financement criminels, voire terroriste. Pour Oberthur Fiduciaire, nombre de possibilités restent donc encore à explorer, la seule limite étant l’imagination des concepteurs, continuellement opposée à celle des contrefacteurs. Les concurrents de la « course de vitesse » évoquée par Thomas Savare ne sont pas prêts de voir la ligne d’arrivée.

(1) http://www.carnetsdubusiness.com/RDV-avec-Thomas-Savare-CEO-d-Oberthur-Fiduciaire_a516.html
(2) http://countingoncurrency.com/wp-content/uploads/2013/02/CN-Jan-13.pdf
(3) http://www.bilan.ch/argent-finances/le-billet-de-banque-en-plastique-seduit-aussi-les-anglais
(4) http://dailypost.vu/business/polymer-notes-launched-include-new-vt/article_0a6ca4fe-2a07-553c-a05f-a2b1da32e059.html
(5) http://www.digitaltrends.com/cool-tech/are-waterproof-books-on-the-way-scientists-have-developed-paper-thats-waterproof-magnetic-antibacterial/
(6) http://www.nlto.fr/Billets-de-banque-billets-d-art_a705.html
(7) http://www.futura-sciences.com/magazines/high-tech/infos/actu/d/high-tech-bientot-billets-banque-equipes-puces-rfid-46404/


Dans la même rubrique :