Tendances

L'ambivalent lien entre mode et féminisme


Béatrix Foisil-Penther
Mardi 12 Mai 2015




Si cela peut surprendre au premier abord, dans les faits, les collaborations entre marques populaires et créatrices « féministes » sont de plus en plus fréquentes. Au risque de paraître contradictoires, voire opportunistes.


On n’est pas à un paradoxe près. L’équation mode grand public et designers « féministes » ne va pas forcément de paire. Pourtant, les collections capsules ou les collaborations entre des griffes populaires et des créatrices avant-gardistes qui se revendiquent comme féministes, font florès. Contradictoire ? C’est ce que Le Monde a voulu savoir.

Au départ, comme chaque année, Dazed & Confused, le magazine anglais prospectif et prescripteur, pour ne pas dire visionnaire, a établi sa liste des Dazed 100. Soit le Top 100 des personnalités qui font autorité dans la mode. Exactement comme le fait le magazineTime avec le Time 100, son classement annuel des cent personnes les plus influentes dans le monde. Dans la liste de Dazed & Confused, figurent des modèles, des créateurs, des photographes : normal. Si ce n’est la présence de Jeanette Hayes, une artiste multimédia américaine. Considérée comme une « art-Barbie 2.0 », elle se revendique comme féministe. En réalité, son art est plus numérique qu'engagé...
 
Au-delà de l’anecdote, cela s’inscrit dans un courant où la définition de « féminisme » est briguée par des stars ultra populaires comme la chanteuse américaine Miley Cyrus. Une façon de mettre en avant une féminité puissante, presque masculine. Dans la même veine, la mode se nourrit de cette tendance : des collaborations entre marques mainstream et de jeunes artistes féministes, voire subversives, les Next Wave Feminists ou les « Féministes nouvelle vague » explosent. Ces dernières profitent de l’audience immense des marques pour faire passer leurs messages militants. Dans ce courant « stylistico-féministe », on retrouve mettre pêle-mêle des aisselles poilues, voire teintes comme celles de Miley Cyrus, roses et postées sur Instagram, de l'activisme douteux, et surtout des contradictions à la pelle  !
 
Ainsi, Le Monde cite l’exemple de la griffe anglaise Whistles. En association avec le Elle UK et The Fawcett Society, une organisation engagée dans l’égalité des genres, Whistles fabrique et commercialise des t-shirts portant la mention, This is What a Feminist looks like, « voilà à quoi ressemble une féministe. » Sauf que les t-shirts en question sont fabriqués par des ouvrières mauriciennes. Pour une pièce, elles empochent 84 centimes d’euros. Le t-shirt quant à lui, popularisé par des célébrités comme Emma Watson ou Alexa Chung, est vendu 60 euros en Occident… On peut se demander où se trouve la subversion dans la société consumériste qui est la notre ? Et aussi, si les jeunes artistes « féministes » se posent les bonnes questions, si elles sont si provoc que cela ?
 
Aujourd’hui, entre la mode et le féminisme, les frontières sont ténues. Les artistes contemporaines semblent s’engouffrer sans problème dans un marché porteur. Chose impossible pour les féministes qui ont précédé. Ces dernières connaissent les enjeux économiques et politiques des marques grand public. « Si on travaille dans la mode, il est important de se poser les bonnes questions : comment sont fabriqués les vêtements ? Les ouvrières travaillent-elles dans de bonnes conditions ? Est-ce que la marque en question n’est pas en contradiction avec les messages qu’on veut faire passer ? Au final, qui utilise qui ? », explique la rédactrice en chef du magazine féministe Well Well Well, Marie Kirschen, au Monde. Première chose : se demander quelles sont les valeurs des marques et quels messages elles veulent faire passer ?




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